NADAR / Quand j’étais photographe (1900) / Babel Actes Sud 1998
« Si bonne est l’opinion de chacun sur ses mérites physiques que la première impression de tout modèle
devant les épreuves de son portrait est presque inévitablement désappointement et recul (il va sans dire que
nous ne parlons ici que d’épreuves parfaites).
Quelques-uns ont l’hypocrite pudeur de dissimuler le coup sous une indifférente apparence, mais n’en
croyez rien. Ils étaient entrés défiants, hargneux dès la porte et beaucoup sortiront furibonds.
[...]
Trois fois heureux l’opérateur qui tombe sur un client semblable à mon brave Philippe Gille (sans s !)— ce
mandarin lettré, toujours de si belle humeur. À peine ai-je eu le temps de lui soumettre sa première épreuve
que, même sans regarder la seconde, l’excellent homme s’écrie :
— Parfait ! Et comme tu as bien rendu mon bon regard — doux — loyal — et intelligent ! »
< p.45 >
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Jean COCTEAU / Le Rappel à l’ordre / Romans, Poésies, OEuvres diverses / La Pochothèque LdP 1995
« Nous abritons un ange que nous choquons sans cesse. Nous devons être gardiens de cet ange. »
< p.447 >
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Paul VALÉRY / Mélange (1939) / OEuvres I / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1957
« Le moi est haïssable... mais il s’agit de celui des autres. »
< p.325 >
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Georges BERNANOS / Les Enfants humiliés (1940) / Essais et écrits de combats I / Bibliothèque de la
Pléiade / nrf Gallimard 1971
« Je voudrais le dire maladroitement, aussi gauchement que je le pense : la difficulté n’est pas d’aimer son
prochain comme soi-même, c’est de s’aimer soi-même assez pour que la stricte observation du précepte ne
fasse pas tort au prochain. Pardonner les offenses ne serait qu’une disposition de l’âme assez naturelle, si
nous pouvions nous pardonner aussi facilement d’avoir été un imbécile. »
< p.827 >
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ALAIN / 81 chapitres sur l’esprit et les passions / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade
/ nrf Gallimard 1960
« On dit qu’il y a des hommes qui sont assez contents d’eux-mêmes, mais je n’en ai point vu. Il n’y a
pas que les sots qui aient besoin d’éloges, et renouvelés souvent. Je sais que le succès donne une espèce
d’assurance. Mais même dans le plein succès, le sentiment le plus ordinaire est une détresse, par la nécessité
de le soutenir. Il est pénible de déplaire ; il est délicieux de plaire ; mais quel est l’homme ou la femme
qui soient si sûrs de plaire par leurs ressources seulement ? Les plus assurés s’entourent de politesse et
de parures, et se fortifient de leurs amis. L’abus des sociétés oisives et le dégoût de penser à soi jettent
presque tout le monde dans la recherche des flatteries, même payées ; par ce moyen on arrive à une espèce
d’assurance. Mais cela ce n’est pas l’amour de soi, c’est la vanité. Personne n’en est exempt que je sache,
en ce sens que tout éloge plaît un petit moment. Je trouve quelque chose de touchant dans la vanité ; c’est
naïvement demander secours aux autres. Mais cette parure ne tient guère. La vanité est vanité. »
< p.1199 >